/ Tarek Ben Yakhlef Alias Tarek /

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Considérations sur les arts urbains

Considérations sur les arts urbains

Ariane Pasco and BastekUne question m’est souvent posée au sujet des arts de la rue : street art et graffiti « à l’Américaine ». Peut-on considérer la rue comme étant la plus grande galerie d’art du monde ?Paris Tonkar // CCCP La plupart des gens en France et même certains artistes urbains en sont convaincus, mais je n’adhère pas à cette vision pour plusieurs raisons que je vais m’efforcer de développer. Je ne pense pas que la rue soit un lieu équivalent à une galerie pour de nombreuses raisons. La première qui me semble essentielle est que celle-ci est un espace ouvert qui peut devenir dangereux pour ceux qui n’en connaissent pas les règles. La rue possède ses propres « lois » et celles-ci sont très codifiées : on ne peint pas n’importe où, n’importe comment ou sur n’importe quel graffiti sans en subir les conséquences. Ensuite, il n’y a pas que l’art urbain qui s’est ré-approprié les murs de nos villes. Des inscriptions racistes, comiques ou existentielles y fleurissent assez régulièrement, des imitateurs d’artistes urbains, les nombreux collages publicitaires ainsi que la publicité officielle…

Bref, tout est possible, le meilleur et, hélas, très souvent le pire ! Enfin, la rue n’est pas forcément le lieu approprié pour toutes les pratiques artistiques urbaines… Avec l’expérience, je pense que les friches industrielles, les voies SNCF désaffectées, les longs murs gris des usines ou encore les terrains vagues me semblent plus souvent être des endroits plus propices à la création. Paradoxalement, ils se rapprochent bien plus de la galerie comme lieu recevant un artiste et son œuvre que la rue.Paris Tonkar // PoshLa rue comme espace de création est souvent perçue comme un grand terrain de jeu par ceux qui pratiquent les arts urbains depuis de nombreuses années. Les œuvres peintes, collées ou affichées dans la rue sont offertes au regard de ceux qui prendront la peine d’être attentifs à leur environnement. Mais celui qui exécute un graff ou un collage s’amuse et vit une forme d’aventure urbaine qui lui permet de trouver un intérêt à continuer, tout en sachant que la plupart de ses œuvres sont éphémères et ne lui rapporteront rien, contrairement à une œuvre exposée dans une galerie. C’est un acte totalement gratuit donc antinomique avec le monde du marché de l’art. Parfois, je me dis que la plus grande galerie du monde, c’est plutôt Internet qui réussit à associer le plaisir du regard et la possibilité de « marchandiser » ce que l’on voit.Paris Tonkar // HEML’art urbain comme un « don » de soi ? Je n’y crois pas non plus ! C’est avant tout une pratique artistique complexe qui intègre deux notions fondamentales : l’éphémère de l’installation et la gratuité. Cependant, avec Internet, les choses ont beaucoup changé depuis le début des années 2000… Le Web génère de la notoriété en très peu de temps et bien plus rapidement que durant les décennies précédentes. Par exemple, Ernest Pignon Ernest ou Blek le Rat sont moins « stars » sur la toile que bien des jeunes artistes urbains en herbe. Pourtant, ce sont des pionniers du street art en France ! Mode 2, Bando ou La Force Alphabetik connaissent d’une certaine manière la même chose dans le graffiti… Le monde virtuel a modifié cet art dans sa nature profonde : il faut à la fois être présent sur les murs des villes et ceux des réseaux sociaux…

Certains arrivent même à n’être présents que sur les réseaux sociaux grâce à une épisodique sortie nocturne durant laquelle ils ont collé ou peint une œuvre dite « urbaine », leur permettant de « poster » une image attestant qu’ils ont pratiqué dans la rue. Les faussaires existent partout même dans le street art ! J’en avais déjà parlé dans une interview pour le Mensuel de Rennes.The book // 1991Il ne faut pas non plus critiquer cette modernité car les arts urbains se sont adaptés aux nouveaux outils de communication. L’artiste doit communiquer avec intelligence : s’il y a du fond dans la forme (pour le coup, il faut avoir une forme qui permette au fond d’être bien mis en valeur), il s’imposera malgré la profusion de sites et de pages consacrées aux arts de la rue. N’oublions jamais que l’émotion que suscite l’œuvre est primordiale même si l’art urbain oblige l’artiste à avoir un rapport direct avec les passants. Un rapport bref mais qui doit marquer les esprits. Sur Internet, cela est moins évident.

Présent dans l’espace public, à la portée de tous, l’art urbain touche tout le monde et fait donc connaitre les travaux des artistes de manière simple et efficace. C’est aussi une manière de faire passer des messages, revendiquer des opinions… Est-ce pour autant un art politique ou protestataire ? Je ne suis pas convaincu que l’art urbain soit vecteur de conscience politique, à l’instar des Dadas ou des Surréalistes !

Paris Tonkar // Bando

Certains artistes comme Banksy, au Royaume-Uni, ou JBC, en France, font passer des messages à travers leurs installations… Ils sont assez rares ! Néanmoins, de plus en plus d’artistes « urbains » acceptent volontiers de mettre leur savoir-faire aux services de causes justes et humanistes, mais ils le font au titre de citoyen-artiste et pas uniquement dans une démarche globale d’artiste.

Paris Tonkar // StephLa rue, avec ses règles à respecter et sa grammaire urbaine, oblige l’artiste à être rapide dans son exécution, simple et efficace. On ne peut pas toujours simplifier une pensée complexe qui mérite de la pédagogie, utiliser un slogan pour faire « tendance », ni réduire des idées à deux ou trois images « faciles » pour toucher le grand public. En cela, je pense que Banksy est un artiste unique en son genre et qu’un grand nombre d’artistes urbains choisissent de ne pas trop mêler la politique à leur art. Une œuvre est-elle forcément réalisée pour dire quelque chose ? Selon moi, cela concerne l’art en général et pas uniquement les arts de rue. En même temps, toute forme d’art ne porte pas forcément un message. La rue n’est pas un lieu tendre et ceux qui la pratiquent se sont souvent endurcis. Humanisme et arts de la rue ont des visions et des buts antinomiques. Je pense que le fait d’agir dans la rue est déjà un acte politique et citoyen : mur blanc (souvent gris…), peuple muet !

Paris Tonkar // HERAUn danger guette les arts urbains : sa récupération par le marketing au service de la marchandisation des esprits et de la culture. Des génies du marketing et quelques opportunistes ont inventé des mots pour désigner cet art afin de lui donner une nouvelle virginité et, pour le coup, mieux l’aliéner à leur volonté en l’utilisant à des fins économiques. Pourquoi inventer des mots comme « artiviste » ou encore « pressionnisme » alors que des termes existent en français et en anglais et qu’ils conviennent aux pratiques actuelles. Ou alors est-ce une forme de « blanchiment lexical » pour masquer un vide intellectuel ! Le terme « nouveau » est assez souvent utilisé pour déguiser la médiocrité avec les habits de l’excellence afin de vendre sa « soupe » aux néophytes en la présentant comme la chose qu’il ne faut surtout pas rater. Il suffit de lire la presse tendance pour s’en convaincre !

Catégoriser l’art est une manière de mieux le réduire à sa fonction et non à son essence !

Pour conclure je rappellerai que le Hip-Hop, qui fête ses 30 ans d’existence en France cette année, est le dernier mouvement artistique du XXe siècle. Il a fini par s’imposer dans notre pays malgré les réticences du Ministère de la culture et de tous les tenants d’une culture élitiste qui font mine de se préoccuper des envies du peuple. C’est aussi le cas des cultures régionales qui reprennent de la vigueur et parfois réussissent à mélanger les arts urbains et leur tradition.

Skull by Tarek

Considerations on Urban Arts

A question I am often asked about street art: Can we consider the street as being the largest art gallery in the world?

Paris Tonkar // MeoMost people in France and even some urban artists are convinced that the street is a gallery open air but I do not subscribe to this view for several reasons that I will try to develop. I do not think the street is a place equivalent to a gallery for many reasons. The first essential is that it is an open space which can be dangerous for those who do not know the rules. The street has its own « laws » and they are very codified: it does not paint anywhere, anyhow or any graffiti without consequences. Then there is not just urban art that is re-appropriate the walls of our cities. Racist graffiti, comic or existential flourish there quite regularly, imitators of urban artists, many collages advertising as well as advertising official … In short, everything is possible, the best and, unfortunately, very often the worst! Finally, the street is not necessarily the right place for all urban artistic practices … 

Paris Tonkar // Pseye

With experience, I think brownfields, disused railway lines, long gray walls of plants or wasteland seem more often be places are more conducive to creativity. Paradoxically, they get closer even more the gallery as a place receiving an artist and his work than the street.

The street as a space of creation is often seen as a big playground for those who practice urban arts for many years. The paintings, pasted or displayed in the street are available to those who take the time to be attentive to their environment. But he who performs a graff or collage has fun and saw a form of urban adventure that enables him to find an interest to continue, knowing that most of his works are ephemeral and not bring him in anything, contrary to work shown in a gallery. It is an act totally free so antithetical to the world of the art market. Sometimes I think that the largest gallery in the world, rather it is the Internet that combines the pleasure of sight and the ability to merchandizer what we see.

Urban art as a gift of self? I do not think so! It is above all an artistic practice that combines two fundamental concepts: the ephemeral installation and free. However, with the internet, things have changed a lot since the early 2000s … The Web generates awareness in a very short time and much faster than in previous decades. For example, Ernest Pignon-Ernest and Blek le Rat is less celebs on the web as many young aspiring urban artists. However, they are pioneers of street art in France! Mode 2, Bando or Force Alphabetik know somehow the same thing in graffiti … The virtual world has changed the art in its profound nature: it must both be present on the walls of cities and those social networks Some even come to being present on the social networks through occasional night out during which they pasted or painted a work called urban, allowing them to post a picture showing they have made ​​in the street. Counterfeiters exist everywhere even in the street art!Paris Tonkar // Lokiss

Do not criticize this  modernity because urban arts have adapted to new communication tools. The artist must communicate with intelligence: if intelligence in the form (for once, it must have a form that allows the concept to be well developed), it will be necessary despite the profusion of sites and pages devoted to street art. Never forget that the emotion aroused by the work is essential even if urban art requires the artist to have a direct relationship with passersby. A brief report but must make an impression. On the Internet, it is less obvious.

Collage RennesPresent in the public space, accessible to all, urban art affects everybody: it allows the artists to become famous simply and efficiently. It is also a way to get messages claiming opinions … Is it to much art or political protest? I am not convinced that urban art is vector of political consciousness, like the Dadaists or Surrealists!

Some artists, like Banksy or JBC in France, pass messages through their urban installations … They are quite rare! However, more and more urban artists willingly put their skills to the good causes or humanists, but they do so as a citizen-artist and not just a holistic artist.

Paris Tonkar // Boxer, Lady V et KarStreet, with its rules to be respected, forces the artist to be quick in its execution, simple and effective. You can not always simplify a complex thought worthy of pedagogy, use a slogan like mass media, or reduce ideas to two or three images easy to reach the general public. In this I think Banksy is an artist unique and that many urban artists choose not too mix politics with their art. An artwork is necessarily done it to say something? I believe this is about art in general and not just street art. At the same time, any form of art is not necessarily a message. The street is not a place tender and those who practice it are often hardened. Humanism and street arts have conflicting visions and goals. I think that to be in the street is a political act and citizens: white wall (often gray …), dumb people!Tarek and Gregos

Danger threatens urban arts: its recuperation by marketing with the aim to use it for the commercialization of minds and culture. Some men without scruples and some opportunists have invented words to describe this art to give a new virginity and alienate their will using it for economic purposes. Why invent words like « artivist » or « pressionism » while terms are in French and English, and they appropriate with current practices. Or is it a form of « lexical laundering » to hide an intellectual vacuum! The term « new » is often used to disguise the mediocrity with excellence clothes to sell his « soup » to neophytes presenting it as the thing it is important not to miss. Just read some press in fashion to be convinced! Categorize art is a way to better reduce its function, not its essence!

Collage Paris

In conclusion I reiterate that the Hip-Hop, which is celebrating its 30th anniversary this year in France, is the last art movement of the twentieth century. He eventually prevailed in our country despite the misgivings of the Ministry of Culture and all the advocates of an elitist culture that pretend to be concerned with the desires of the people. This is also the case of regional cultures which take vigor and sometimes manage to combine urban art and tradition.

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